• La Lune est mon amante.

    La Lune est belle, la Lune est blonde.

    Ses yeux noisette ne brillent que pour moi.

    La Lune est mon amante.

     

    La Lune est mon amante.

    Je caresse des yeux sa courbe divine.

    Qui me tue, qui m’ensorcèle.

    La Lune est mon amante.

     

    La Lune partage mes pleurs

    Trop loin, trop belle.

    Ses bras ne m’atteignent pas.

    La Lune est mon amante.

     

    La Lune est mon amante.

    Plus belle dans le ciel,

    Plus belle dans mon cœur.

    Mais pour tous pareille.

     

    La Lune est mon amante.


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  • L’homme, essoufflé, n’osait pas regarder derrière lui. Il ne voulait pas savoir si ses poursuivants gagnaient du terrain. Il ne voulait pas savoir si sa vie était sur le point de s’achever. Courir, toujours courir. Ne pas ralentir, faire fi de la douleur cinglante qui lui déchirait le flanc gauche. En cet instant, sa survie dépendait uniquement de ses jambes. Si elles ne le lâchaient pas, il avait une chance de s’en sortir. Sinon, c’était terminé. Car les gars qui le coursaient ne plaisantaient pas. Ils ne plaisantaient jamais. Ce n’était pas pour rien qu’on les appelait « Les Anges de la Mort ». Aucune de leurs cibles ne leur avait jamais échappé. Pas un survivant. Jamais.

     Il tourna à l’angle d’une ruelle, et faillit perdre l’équilibre. Derrière lui, leurs pas résonnaient dans l’obscurité. Ils voulaient lui faire comprendre qu’ils étaient là, juste derrière. Qu’au moindre signe de faiblesse, ils l’assailliraient comme une meute de hyènes s’abat sur une pauvre antilope. Leur présence, invisible mais tellement palpable, se faisait plus lourde. Comme si l’air était plus épais, moins souple. Comme s’il avait des difficultés à s’insinuer dans ses narines. Comme si un mur invisible se dressait devant lui. Le souffle lui manquait. C’en était fini. Il s’effondra sur le sol, des larmes chauffées à blanc lui perçant les yeux. Il allait mourir là, dans cette ruelle. Sa respiration, beaucoup trop rapide, était douloureuse. Il les entendit se rapprocher. Aucun d’entre eux ne semblait avoir dû fournir un effort particulier. Pourtant, ils avaient couru pendant au moins une demi-heure. Qui étaient-ils, ces Anges de la Mort ? Une question à laquelle il ne trouverait probablement aucune réponse. Il distingua, comme si la réalité lui semblait déjà lointaine, le bruit d’un revolver qu’on charge. Il n’entendit même pas le coup de feu.

     

    Autour de lui, tout prit une teinte noir et blanc. Il se releva, et constata avec surprise qu’il n’était pas essoufflé, et que se redresser ne lui demanda aucun effort. Il constata également que son propre corps gisait à ses pieds. Ainsi, il était mort. Il regarda autour de lui. Etrangement, il n’éprouvait pas d’appréhension à l’idée de découvrir ce qu’il se passait après la mort. Il était toujours dans la même ruelle, sauf qu’il ne semblait plus appartenir à ce monde : il ne ressentait plus rien. Plus de cœur palpitant dans sa poitrine. Plus de dos douloureux à cause d’une chaise de bureau mal réglée. Plus de migraine. Il se retourna vivement.

     Et se retrouva face à une silhouette inquiétante. Grande, pâle et squelettique, la Mort le dévisageait d’un regard aussi noir que la nuit. Drapée de fumée noire, elle planta sans ménagement sa longue faux brillante dans le corps du défunt. Le Rituel de Passage avait commencé. L’image de la ruelle sombre, à peine éclairée par un lampadaire clignotant se mit à tourner autour du mort, jusqu’à disparaître totalement. Bientôt, le défunt se retrouva seul dans le néant, face à la silhouette nacrée de la Faucheuse. Sans qu’elle n’ouvrît la bouche, une voix glaciale, dépourvue de toute intonation, résonna dans le noir.

     « Sébastien Fauconneau. Vous venez de décéder subitement. Vous allez subir le … »

    Soudain, un grand rayon de lumière déchira l’obscurité. Le défunt dut se protéger les yeux pour ne pas être aveuglé, et ne put voir que le début de la scène qui se jouait devant lui : la Mort, d’un air surpris, s’était retournée vers la source de la lumière, et, dans un mouvement maladroit, avait laissé tomber sa faux. D’autres silhouettes drapées d’une épaisse fumée s’étaient précipitées pour encercler la Mort, qui fixait maintenant le sol avec un air repentant.

    « Major Adel ! Donnez-nous votre faux de service ! Quand allez-vous donc accepter votre mise à la retraite ? Vous n’avez plus le droit d’effectuer le passage ! »

    La Mort bafouilla quelques explications incompréhensibles, tandis que les autres silhouettes s’emparaient de sa faux et la maîtrisaient avec une clé de bras étrange. La Mort, que l’étrange voix avait appelée Major Adel, redressa la tête et fixa sa copie conforme qui s’approchait d’elle. Ou de lui, Sébastien Fauconneau ne savait pas vraiment. Il ne comprenait rien à ce qui se passait. Le Major Adel s’adressa à ce qui semblait être le chef des autres silhouettes.

    « Ovach, écoute-moi, tu ne…

    - Mort-aux-Trousses, s’il te plaît, Adel.

    - D’accord, Mort-aux-Trousses. Je ne peux pas partir à la retraire ! Je ne peux pas devenir une Mort-aux-Rats ! Je veux rester une Mort-aux-Hommes ! C’est ma vie, ce boulot !

    - Je sais, Adel, je sais. Mais tu connais la Mort-en-Chef. Les ordres sont les ordres… Désolé. Allez, les gars, embarquez-le. Exercice illégal de la Mort avec intention de la donner. »

    Sébastien regarda, incrédule, la Mort, menottée et encadrée par deux de ses semblables, se faire embarquer. Les silhouettes disparurent par la source de lumière, qui était en réalité une porte ouverte. Sur quoi donnait-elle ? Pris de curiosité, et ayant le sentiment qu’on l’avait oublié, il se risqua discrètement à faire quelques pas vers cette fameuse porte.

    « Hop là ! Vous, le cadavre !

    - M… moi ? balbutia-t-il, pris sur le fait.

    - Vous voyez d’autres cadavres dans les environs ? lui demanda la Mort Ovach.

    - Euh… Vous êtres quoi, au juste ?

    - Pas des cadavres, si c’est ce que vous entendez. Nous sommes les Meneurs Originels du Rite de Transfert. Autrement dit, nous sommes ce que vous, les humains, appelez la Mort.

    - Donc, je suis vraiment mort ?

    - On ne peut plus mort. »

    Sébastien baissa les yeux sur son corps sans vie. S’il avait encore été capable d’éprouver de la peine, il en aurait surement eu à se voir, là, couché sur le bitume, la tête explosée par une balle de revolver… Ils n’avaient pas soigné leur œuvre, ces Anges de la Mort. Ils auraient au moins pu éviter de tâcher son costume.

    « Qu’est-ce qui va m’arriver ? demanda-t-il, presque anxieux.

    - Ah oui, juste. Je ne sais pas trop. Normalement, on devrait vous faire Passer, mais vous pourriez servir de témoin pour ce pauvre Major Adel… Attendez cinq minutes. Ne bougez pas d’ici.

    - Et où voudriez-vous que j’aille ? »

    La Mort-aux-Trousses ne l’écoutait même plus. Elle se détourna, et quitta le lieu par la porte lumineuse, prenant bien soin de la refermer derrière elle. Fauconneau se retrouva seul dans le néant séparant la vie de la mort. Il ne put dire combien de temps s’écoula entre le départ de la Mort-aux-Trousses et son retour. Dans le noir perpétuel, il n’y avait pas grand-chose à faire, et, si la Mort-aux-Trousses s’était réellement absentée cinq minutes, se furent les cinq minutes les plus longues de sa vie. Enfin, de sa mort. Ces minutes, il les passa à contempler son corps, toujours couché sur le sol dans une position qui ne devait pas être très confortable. Plus il regarda sa tête explosée sur le sol, plus il se disait que c’était du gâchis. Il n’avait tout de même pas mérité ça ! Il n’avait que… Mais, au fond, qu’avait-il fait ? Il ne parvenait plus à se souvenir de quoi que ce soit qui ait eu lieu avant sa mort…

    « Voilà, excusez-moi. »

    Ovach était revenu, accompagné d’une autre Mort, brandissant une faux moins impressionnante que celle du Major Adel. Fauconneau s’adressa à Ovach.

    « Bon, alors, que va-t-il m’arriver ?

    - La Mort-en-Chef ne juge pas votre témoignage utile. Le Major Adel n’en est pas à sa première rechute, vous savez. Ah ça, il aimait son boulot, celui-là. Ça me fait de la peine de le voir comme ça. Mais, que voulez-vous ? L’âge d’or des guerres mondiales est terminé ! Bref, en ce qui vous concerne, vous allez être Passé par la Mort-à-l’Essai ici présent. Bon Pass…

    - Une minute ! La Mort-à-l’Essai ? C’est une blague ?

    - Je vous demande pardon ?

    - Je refuse qu’un stagiaire s’occupe de moi ! protesta-t-il.

    - Monsieur, je vous assure que la Mort-à-l’Essai a déjà fait plus d’un…

    - J’exige une Mort compétente !

    - Compétent.

    - Pardon ?

    - Une Mort Compétent. Seuls les Morts masculins opèrent au Passage.

    - Bon, compétent, si vous voulez. Pourquoi vous ne me Passez pas ? »

    La Mort-aux-Trousses le regarda, incrédule. La même expression de surprise amusée apparut sur le visage –à condition qu’on puisse appeler cela un visage- de la Mort-à-l’Essai. Les deux Morts dévisagèrent un instant Fauconneau en silence, comme si ils s’attendaient à voir un large sourire se dessiner sur son visage et qu’il leur dirait « Je vous ai eus ! ». Mais comme le sourire attendu ne venait pas, la Mort-aux-Trousses rompit le silence.

    « Vous ne pensez tout de même pas que je peux opérer au Passage, hein ?

    - Bien sûr que si, rétorqua Sébastien. Et pourquoi pas ?

    - Mais enfin, s’emporta Ovach. Je suis la Mort-aux-Trousses ! Je ne suis là que pour traquer les gens qui tentent d’échapper aux Morts où pour appréhender les Morts exerçant illégalement ! »

    Sébastien resta muet. Les Morts aux-Trousses et à-l’Essai s’échangèrent des regards amusés.

    « Vous voulez dire que… commença le défunt.

    - Evidemment que les Morts ont chacun leur rôle !

    - Il y a plusieurs Morts ?

    - Bah voyons, lui rétorqua la Mort-à-l’Essai, prenant pour la première fois la parole. Il y a six milliards d’êtres humains sur Terre. Y’en a un sacré paquet qui meurt toutes les secondes. Vous croyez pas que, tout seul, un Mort serait dépassé ?

    - Euh, oui, en effet… Mais, toute de même, je…

    - Sans compter les animaux, l’interrompit la Mort-à-l’Essai. Il faut s’en occuper aussi, des animaux ! Alors pour ça, on a des Morts-aux-Vaches, des Morts-aux-Rats… D’ailleurs, le Major Adel, mon prédécesseur, qui devait partir à la retraire, a été muté Mort-aux-Rats à la place. Le pauvre, il a pété une durite : les humains lui manquaient !

    - Mais…

    - Cela dit, la Mort Adel n’était pas le seul, vous savez. Depuis l’élection de la nouvelle Mort-en-Chef, c’est un peu le bordel, là-haut, vous savez. Tout ça parce que la Mort-en-Chef veut appliquer un nouveau programme… Forcément, les anciens Morts, assez conservateurs, ne sont pas d’accord. Ils tiennent beaucoup au côté mélodrame de la Mort…

    - Oui, répondit la Mort-aux-Trousses, mais il faut avouer que leurs méthodes étaient un peu désuètes. Faire croire aux hommes qu’ils iraient au Paradis ou en Enfer, c’était pas très malin de leur part.

    - J’aimais bien la métaphore, quand même, lui répondit la Mort-à-l’Essai.

    - Boarf, c’était quand même…

    - TAISEZ-VOUS ! »

    Fauconneau n’avait pu se retenir de crier. Il ne comprenait plus rien à la discussion qui se tenait devant lui. D’abord, il apprenait qu’il n’y avait pas qu’une seule Mort, comme on le racontait sur Terre, mais bien plusieurs, peut-être même des centaines. Ensuite, qu’il ne fallait même pas parler de La Mort, mais bien de Le Mort, vu que seuls les mâles opéraient au Passage. Mais d’abord, c’était quoi, ce Passage ? Et Passage vers quoi ? Apparemment, pas vers le paradis ou l’enfer. Mais alors, qu’il y avait-il après la mort ? Cette question, qu’il ne s’était jamais vraiment posé de son vivant, l’intriguait vraiment depuis qu’il était concerné de près. Visiblement, le monde de la mort était assez perturbé, en ce moment. Et Sébastien avait la certitude qu’en temps de perturbations, la Mort était gérée avec autant d’efficacité que les chemins de fer. Il n’était pas près de reposer en paix, on dirait…


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  • C’est la première que j’ai regardé.

    La première qui m’a bordé.

    La première qui m’a aimé.

    C’est elle qui m’a élevé.

     

    Elle a bâti son empire

    Sur mes éclats de rire.

    Elle fondait sa hantise

    Sur ma prochaine bêtise.

     

    Elle qui m’a fait rire.

    Elle qui m’a fait grandir.

    Elle qui m’aime à mourir.

    Que je ne veux pas voir partir.

     

    Ecoute cette chanson, mon enfant.

    Elle te fera réfléchir.

    Mais n’oublie pas de lui dire

    Je t’aime maman.

     

    Une mère, c’est très précieux.

    On en aura pas deux.

    Faut bien en être soucieux.

    Avant de lui dire adieu.

     

    Une mère, faut la remercier.

    Il faut beaucoup l’aimer,

    Pour tout ce qu’elle a donné,

    Pour ce qu’elle va nous manquer.

     

    Je terminerai cette chanson

    Et tant pis si je passe pour un con

    Par dire, comme un enfant :

    Je t’aime, Maman.


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  • C’est dingue comme une vie peut basculer en quelques secondes. Comme quelques mots peuvent changer la donne. Comme une idée, une impulsion, un échange de paroles peuvent donner des résultats inattendus. Comme les choses ne se passent pas toujours comme prévu. C’est peut-être que qui fait l’attrait et le charme de la vie : si tout se déroulait toujours comme le plan le prévoyait, où se situerait la surprise ? L’inattendu ? Le fait même que nous n’ayons aucun contrôle sur le cours des choses les rend plus précieuses. L’auteur d’un roman contrôle les actes de ses personnages. Le compositeur d’une mélodie en crée les trémolos et crescendo. Le peintre a la maîtrise totale sur son pinceau. Mais les hommes, dans leur vie, ne sont ni auteurs, ni compositeurs, ni peintres. Les choses leur échappent, le temps se joue d’eux. Lorsqu’un évènement ne s’est pas produit comme prévu, plus rien ne permet de le corriger. L’auteur peut effacer ses mots. Le compositeur peut rectifier sa partition. Le peintre peut recouvrir ses couleurs par d’autres. L’homme ne peut que penser à son passé, et le repenser en utilisant des « si ». L’homme ne peut que se pencher sur son passé, en ayant des regrets…

    Même lorsque tout va bien, l'homme gâche son moment. Car, bien souvent, lorsque la réalité paraît trop belle, voire dépasser nos rêves les plus fous, on se pince distraitement le bras en se disant « je dois rêver ». Lorsque tout se déroule mieux que le plan ne l’avait prévu, l’homme n’est pas à l’aise. Il ne sait pas profiter de son bonheur, regarde vers son futur avec appréhension, et attend le moment où « tout va foirer ». Il laisse son présent, si doux, plus doux même qu’il ne l’avait espéré, lui filer entre les doigts, dans l’incapacité imbécile d’être simplement heureux, dans son refus catégorique de croire que tout peut bien se passer. Ce n’est que plus tard qu’il pestera contre l’inattendu, contre sa crainte inexplicable d’un retour des choses, se maudissant d’avoir laissé filer le moment qu’il attendait depuis longtemps.


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