• Juste des figurants

    Nous n’avons qu’une Terre. Il n’y a qu’un monde. Une seule planète pour plus de six milliards d’êtres humains. Une seule planète, mais six milliards d’univers. Tous sont différents. Il n’y en a pas deux pareils. Chaque homme sur cette Terre, chaque femme, est un univers. Chacun vit sa vie, fréquente ses amis, travaille dans ses bureaux, étudie dans son école. Chacun a ses problèmes, ses succès, ses échecs. Nous sommes tous semblables, mais pas identiques : nous ne vivons pas dans le même univers. Un univers dont nous sommes tous le centre. Nous sommes le personnage principal de notre existence. Nous sommes la seule personne sur cette Terre dont nous connaissons les moindres secrets, les petites manies, les peurs, les joies. Nous sommes la seule personne sur cette planète que nous côtoyons tous les jours, toutes les heures, toutes les minutes. Chaque seconde de notre vie, nous ne la partageons qu’avec nous-mêmes.

    Et c’est précisément pour cela que nous nous pensons plus importants que les autres. Nos problèmes sont plus graves, nos ennuis plus embêtants. Parce que tout ce qu’il se passe ailleurs n’existe pas pour nous : le monde n’est que le décor d’un roman dont nous sommes les héros. Les gens qui nous entourent sont des seconds rôles, des figurants. Des fantômes.

    Il y a plus de six milliards d’êtres humains sur Terre. Plus de six milliards de fantômes. Des gens, des visages, qu’on croise et qu’on oublie. Dans le métro, à une fête, dans la rue, au travail. Partout où nous allons, nous croisons ces anonymes transparents et inconsistants. Peu importe ce que nous faisons, ce que nous lisons, où nous allons : on ne peut leur échapper. L’Autre, ce terme que nous utilisons pour parler des autres humains, nous entoure toujours. Il était autour de nous à notre naissance. Il le sera à notre mort. L’Autre est comme nous : il vit dans son univers, dont nous ne sommes que des figurants. Notre mort ne changera rien pour lui, tout comme sa mort ne changera rien pour nous.

    Ce n’est pas ce que je veux. Je veux regarder ces gens que je croise dans le bus. Graver leurs visages dans ma mémoire. Je me demande souvent, alors que je scrute tous ces regards tournés vers le sol ou fuyants par la fenêtre, qui sont ces autres. Comment s’appellent-ils ? Quel âge ont-ils ? Qu’est-ce qui les amène là, à ce moment, dans le même bus que moi ? Qu’ont-ils vécu ? Comment se sentent-ils, en ce moment ? Sont-ils heureux, tristes ? Viennent-ils d’assister à un enterrement ou à une naissance ? Je me demande si leur univers est différent du mien. Eux que je ne vois pas uniquement comme un décor.

    J’aime croire que d’autres gens font comme moi. Que d’autres gens observent ceux qui les entourent. S’intéressent à eux. Parce que le pire sentiment humain n’est pas la haine. C’est l’indifférence.

     

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  • Commentaires

    1
    Mardi 10 Mai 2011 à 14:09

    6 Milliards de fantômes ou presque en effet, et les autres, que sont-ils ?

    J'aime ton blog.

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