• Pensées politiques

    Je sais, cela fait longtemps que je n'ai plus publié. Et que le premier article que je publie depuis ce temps, c'est un article sur la politique. Mais si je traite de ce sujet maintenant, ce n'est pas par hasard. D'une part, le sujet me tient à coeur, sinon je n'étudierais pas la science politique. D'autre part, la situation actuelle me laisse perplexe, d'où pour moi l'importance de mettre au clair mes idées, interrogations et doutes quant à cette situation. Mon but n'est pas ici de présenter un travail scientifique, mais bien de soulever certaines questions, qui, je l'espère, pourront ouvrir la porte au débat et à l'échange d'idées. N'hésitez pas, maintenant plus que jamais, à réagir à mes propos, que vous soyez d'accord ou pas.

    D'abord, je vais résumer la situation pour les lecteurs non belges (il y en a quelques uns) : le 22 avril 2010, l'Open VLD (parti libéral flamand) se retirait du gouvernement Leterme II, causant ainsi sa chute. La raison de ce retrait ? L'épineux dossier BHV, un arrondissement judiciaire et électoral que la Flandre veut voir disparaître (en très gros). Le 13 juin 2010, les belges sont appelés aux urnes. Depuis, les négociations sont encore en cours pour former un gouvernement. Si vous calculez bien, voilà donc plus de 488 jours que l'on discute. De quoi discute-t-on ? D'une réforme de l'Etat, signée finalement le 11 octobre2011 , puis, depuis ce jour, d'un accord de coalition et d'un programme pour le futur gouvernement.

    On pourrait croire que, maintenant, la situation est clarifée et que tout va bien se passer. Ce serait, je crois, faire erreur. Avec les événements de ces derniers jours, la situation difficile risque de se prolonger. Je vais préciser ma pensée : certes, les négociateurs semblent avoir trouvé un compromis sur BHV. On voit mal, maintenant, comment le socio-économique pourrait poser problème. Mais voilà, on a un accord de coalition... Sans les Verts. Qu'est-ce que cela implique ? Jetons un oeil à la composition de la Chambre des Représentants :

    La Chambre des Représentants

    La Majorité gouvernementale se composera donc de 93 sièges sur 150. C'est suffisant. Certes, avec les Verts (écolo + Groen!), la majorité était plus large encore (106 sièges) et dépassait les 2/3. Mais 93 sièges, c'est suffisant. Où est donc mon problème ?

    Dans les groupes linguistiques. Pour ceux qui l'ignoreraient, les députés de la Chambre sont répartis en deux groupes linguistiques : le groupe linguistique flamand et le groupe linguistique francophone. En sachant que le groupe linguistique flamand est constitué de 88 députés et que le groupe francophone l'est de 62, on peut voir émerger le problème. Nous avons une majorité fédérale (93 sièges sur 150), une majorité dans le groupe francophone (50 sièges sur 62), et... C'est tout. Dans le groupe linguistique flamand, les partis du gouvernement ne seront PAS majoritaires : seulement 43 sièges sur 88 !

    Si nous retentons l'exercice en incluant les Verts dans la majorité, nous obtenons une situation plus saine : une large majorité fédérale (106/150), une très large majorité francophone (58/62) et une majorité, courte, mais majorité quand même, chez les flamands (48/88). Mais ce ne sera pas le scénario appliqué ! Pourquoi donc ?

    On le lit à la une des journaux : la majorité, oui, mais sans les Verts. Le formateur, Elio Di Rupo (PS), s'est plié aux exigences de l'Open VLD et du CD&V et a proprement éjecté les Verts, qui participent pourtant aux négociations depuis le début ! Je ne comprends pas bien les motivations d'Alexander De Croo. Certes, on dit que c'est une façon de ne pas se retrouver dans un gouvernement trop à gauche. On peut également dire que c'est pour rafler, au final, plus de portefeuilles. Mais, bon sang de bon Dieu, voilà qui met le futur gouvernement Di Rupo Ier dans une situation délicate !

    Voyez plutôt : je l'ai dit, sans Groen!, pas de majorité dans le groupe linguistique du Nord du pays. Etait-ce vraiment le moment de se mettre dans pareille situation ? Les événements récents posent déjà suffisamment de questions du point de vue démocratique que pour en ajouter d'autres ! En effet, la NV-A, parti vainqueur des élections du 13 juin, première formation politique belge, premier parti de Flandre... Ne montera pas au gouvernement. Certes, on peut expliquer cela, et je le ferai plus tard. Mais voilà, le fait est que le parti pour lequel le plus de gens ont voté en Belgique ne gouvernera pas. Ensuite, à l'heure où les tensions communautaires (du moins, dans le champ politique) ont atteint une apogée, à l'heure où l'on a plusieurs fois parlé pudiquement de "plan B", à l'heure où un parti Belgico-sceptique a recueilli 27 sièges, est-ce vraiment intelligent d'installer au pouvoir un gouvernement non-majoritaire en Flandre ? Troisièmement, je pense que la nomination d'un Premier Ministre francophone n'était pas, en cette période en tout cas, appropriée. Dans cette situation où le gouvernement devra faire face à une crise de légitimité en Flandre et aux critiques acerbes (mais, pour une fois, justifiées) de Bart De Wever, la nomination d'un Premier Ministre flamand aurait peut-être, d'un point de vue symbolique, sauvé les meubles ou permis une plus vaste identification flamande avec ce gouvernement fédéral.

    Ce sont ces trois éléments qui me permettent de douter de la réelle efficacité du gouvernement Di Rupo Ier. Cyniquement, je me demandais tout à l'heure si ce gouvernement allait tenir le nombre de jour qu'il avait été nécessaire de négocier pour le former. J'espère me tromper, mais je pense que non. Certes, les Verts ont affirmé qu'ils allaient soutenir le texte de la Sixième Réforme de l'Etat. Mais cela ne résoudra pas tous les problèmes et, si la pomme de la discorde BHV semble avoir disparu, il n'en reste pas moins que le problème belge demeure un noeud Gordien.

    L'autre question que je me posais, hormis "Pourquoi avoir écarté les Verts, et était-ce vraiment une bonne idée ?", était : "Pourquoi la NV-A n'a-t-elle pas assumé son succès électoral ?" Nous le savons, la NV-A décide de quitter la table des négociations le 7 juillet 2011 (pas exactement, mais son "non" catégorique à la note Di Rupo marque la fin des négociations avec la NV-A). Ainsi, le premier parti du pays se condamne aux bancs de l'opposition. Mais cette opposition est-elle néfaste pour la NV-A ? Je ne pense pas. Je suis intimement persuadé que la NV-A est fondamentalement un parti d'opposition, qui se renforce justement de cette position d'opposition. C'est-à-dire que, hors de toute majorité gouvernementale, la NV-A est dans une position qui lui plaît : elle peut librement critiquer les décisions du gouvernement, traiter les partis flamands qui le composent de traîtres à la cause flamande, et, dans ce cas-ci, taxer le gouvernement de "gouvernement de francophones", de "gouvernement des perdants". Et le pire, c'est que, dans la situation actuelle, elle n'aura pas tout à fait tort. La NV-A, je crois, mais j'espère me tromper, sortira encore renforcée de cette législature dans l'opposition. Voilà pourquoi, selon moi, la NV-A n'est pas entrée et n'a pas véritablement cherché à entrer dans un gouvernement. Parce que l'exercice du pouvoir la forcerait à désavouer une partie de son programme. La pervertirait par rapport à ses objectifs. En refusant de se mouiller, Bart De Wever s'installe dans le rôle qu'il préfère, celui de l'opposition, et le rôle qui lui réussit le mieux (rappelons qu'il avait fini la législature Leterme II dans l'opposition...). Je pense que, dès le départ, la NV-A projetait de quitter la table des négociations. Il lui aura juste fallu attendre la note Di Rupo comme prétexte. Depuis, elle ne se mouille plus et pourra à sa guise attaquer le gouvernement Di Rupo, invoquant les principes dont j'ai déjà parlé, s'emparant, en quelque sorte, du rôle de défenseur de l'intérêt flamand. Les communales de 2012 vont-elles me donner raison ? Je ne l'espère pas.

    Désolé pour nos amis étrangers, qui n'ont pas dû y comprendre grand-chose, mais le sujet me tient particulièrement à coeur. J'écrirai sans aucun doute d'autres billets politiques à l'avenir. Peut-être, comme j'avais commencé à le faire à une époque, des articles visant à expliquer la crise belge à nos amis de France, du Japon ou d'ailleurs. Mais, pour l'instant, j'avais besoin de faire part à mes compatriotes de mes questionnements. Je tiens également à m'excuser pour un éventuel manque de structure dans cet article... Pas évident de se structurer quand on écrit avec passion :P Si vous avez des réactions, des questions ou des réflexions à émettre, je vous en supplie : ne vous retenez pas. Je pense qu'un échange d'idée serait extrêmement enrichissant !

    Allez, politiquement vôtre,

    Foénor

    « Un peu de nouvelles, quand même.Une réforme ? Où ça ? »

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  • Commentaires

    1
    Telegramme Profil de Telegramme
    Jeudi 20 Octobre 2011 à 12:10

    J'ai cherche a comprendre mais je crois que je suis encore un peu jeune ( et trop loin de l'Europe.. ? ) pour comprendre vraiment, dommage ca m'interesse ces sujets, mais c'est plus simple lorsqu'on vit dans le pays du sujet ><

    2
    marc (du n° 24)
    Mercredi 26 Octobre 2011 à 20:46

    Analyse très pertinente, bravo ! La NV-A a tout intérêt en effet à rester dans l'opposition. De toute façon, les autres partis, qui s'affairent à dépecer l'Etat fédéral, se chargent, à leur manière, d'appliquer le programme de la NV-A...

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