• votre commentaire
  •  

    Sys ne parvint pas à retenir un rire moqueur, attirant du même coup tous les regards sur lui, et surtout le regard courroucé de Seth. Le conteur détestait qu’on l’interrompe, à plus forte raison de la manière dont Sys venait de le faire. Agacé, le soldat se leva.

    « Bien. Puisque Sys semble s’y connaître mieux que moi, je lui laisse le plaisir de vous parler des Elfes ! »

    A ces mots, il quitta le groupe malgré les protestations de ses camarades et alla s’asseoir à l’ombre du grand mât. Sys n’avait pas bougé. Il s’était contenté de le suivre du regard, un sourire narquois flottant sur le visage. Un silence gêné s’installa, pendant lequel Sys continuait d’aiguiser sa lame. Ce fut lui qui le brisa.

    « Ce que Seth vous a raconté, ce ne sont que les légendes humaines. En réalité, les Elfes ne sont pas ces êtres beaux, sages et supérieurs. Pas tous. Et si Seth vous a conté la légende humaine, permettez-moi de vous donner la version elfique…

    Il y a bien longtemps, au temps où les Othelains foulaient encore cette terre, des siècles avant la Grande Guerre, avant même la fondation d’Isselia, les Elfes dominaient le Continent. Plusieurs royaumes elfes vivaient dans la plus parfaite harmonie et dans un luxe extraordinaire, comme en témoignent encore les Ruines de l’Aube. Les Elfes de ce temps-là étaient tous élancés, aériens, à la longue chevelure d’or ou d’argent, à la vue plus perçante que celle d’un hurleur, à l’ouïe plus fine que celle d’un vermos, aux oreilles pointues. Ils étaient agiles et discrets, beaux et sages. Certains, les Eldars, maniaient l’arc et les flèches à la perfection, d’autres, les Naktars, préféraient leurs katanas, d’autres encore, les Faëdars, disposaient d’ailes fines mais puissantes. Tous adoraient Micahiah et lui jurèrent que jamais le Continent ne connaîtrait la guerre. Pendant de longues années, des siècles même, la promesse fut respectée. Pour les récompenser, Micahiah leur offrit l’immortalité.

    Mais les Elfes, comme les Hommes bien plus tard, furent incapables de tenir cette promesse. Bientôt, les Eldars envièrent les ailes des Faëdars, les Faëdars jalousèrent les Naktars pour leur maîtrise du katana, et les Naktars ne supportèrent plus que les Eldars tirent mieux à l’arc. La tension monta, et chacun des trois royaumes ferma ses portes aux autres. Pour régler la situation, les trois chefs des pays décidèrent de se réunir à Islandya, aujourd’hui Ruines de l’Aube. C’est ainsi qu’Eldorón des Eldars, Dwiliath des Naktars et Gùndir des Faëdars discutèrent des jours entiers pour éviter une guerre. Mais chaque jour montait les chefs les uns contre les autres, et ils savaient parfaitement qu’une guerre devenait impossible à éviter. Le trentième jour, Gúndir assassina les deux autres souverains et envahit les royaumes.

    Il s’ensuivit une guerre sanglante qui décima la moitié des Elfes vivant sur le Continent. Les Naktars et les Eldars s’étaient alliés contre leur ennemi commun et s’apprêtaient à lui porter un coup sévère lorsque Micahiah intervint. »

    Sys s’interrompit quelques secondes, vérifiant que son auditoire l’écoutait attentivement, et remarqua que Seth s’était joint aux autres pour l’écouter. Il lui sembla toutefois inutile de le faire remarquer.

    « Comme vous pouvez aisément l’imaginer, Micahiah était furieuse. Pour punir les Elfes, elle leur enleva l’immortalité acquise quelques siècles auparavant. Mais lorsqu’on lui conta les évènements qui conduisirent à la guerre, elle décida de priver les Faëdars de tous ce qui faisait d’eux des Elfes. Ainsi, ils perdirent leurs ailes, leur silhouette et leurs oreilles en pointe. Rien ne pouvait plus les distinguer des Othelains, et donc des Humains.

    Honteux et vaincus, les Faëdars furent réduits en esclavage par les deux peuples alliés. Gúndir fut exécuté. La paix était revenue.

    La situation des Elfes ne changea pas durant des siècles. Ils assistèrent à la chute des royaumes Othelains, à la fondation d’Isselia et à la Grande Guerre. Ils furent chassés de leurs forêts par le Roi Cardolan des Morphes et partirent s’installer dans les montagnes. Ils ne les ont plus jamais quittées. »

    Sys marqua une pause. Elanor avait bu ses paroles, mais Seth ne semblait pas satisfait.

    « Et en quoi cette légende vient-elle contredire ce que j’ai raconté ? demanda-t-il soudain.

    -J’y venais, répondit calmement Sys. »

    Seth se renfrogna alors que Sys reprit :

    « Au fil du temps, les Faëdars, qui menaient une vie bien plus pauvre que les autres Elfes, virent leur nombre s’accroître. Ils furent très vite largement plus nombreux que les Naktars et les Eldars réunis, mais, s’ils n’étaient plus leurs esclaves, ils demeuraient inférieurs, héritage d’une guerre passée. Aujourd’hui, les Faëdars sont appelés les Bas-Elfes, et rien ne les distingue physiquement des Humains, si ce n’est qu’ils ne vieillissent pas. Quant aux Eldars et aux Naktars, ils forment désormais une seule et même classe : les Haut-Elfes. Ils sont les héritiers des légendes elfiques et disposent encore du physique de leur race.

    La société Elfe d’aujourd’hui est extrêmement hiérarchisée : les Haut-Elfes sont les nobles, ceux qui dominent, alors que les Bas-Elfes forment une masse populaire méprisable et méprisée. Les nobles ont le droit de vie et de mort sur les Bas-Elfes. »

    Seth se leva violemment.

    « Mensonges ! Ce n’est pas ce que disent les rapports des Archivistes ! Les Elfes étaient et demeureront à jamais des créatures nobles et sages que nous nous devons de prendre pour exemple ! »

    Devant tant d’obstination de la part du conteur, Sys se contenta de sourire.

    « Nous verrons à Saralonde. »


    votre commentaire

  • 3 commentaires
  •  

    J’y ai passé trop de temps, au pays de l’Amour levant. Il y fait trop bon vivre, et le cœur, doucement, s’habitue à sa douce chaleur. Il y rêve alors, insouciant, à toutes les délices auxquelles il a droit, auxquelles il peut prétendre. Il en profite, il en jouit : l’Amour levant est généreux. Ses premières lueurs, prémices du bonheur, caressent délicatement ma peau meurtrie. La solitude était mon mal, sa lumière mon remède. C’était un Soleil nouveau qui se levait sur ma vie. Sur mon cœur, aussi.

    Mais j’y ai passé trop de temps, au pays de l’Amour levant. Si bien que j’ai voulu m’y installer. Il y faisait toujours beau. Le ciel y était bleu, d’un bleu aussi pur que ses yeux. Sa douceur était celle d’une étreinte tendre, le soir auprès du feu. L’air y était frais comme son rire. L’hiver ne s’y arrêtait pas : il avait beau lutter, vouloir s’installer, Printemps et Été lui tenaient tête. De guerre lasse, l’hiver, sans même faire escale, détournait la tête et passait son chemin. Ah, il était beau, il était grand, le pays de l’Amour levant.

    Mais comme le Soleil, l’Amour levé doit se coucher. Toutes ses délices ont fané. L’hiver s’y est installé. Et ce coin de paradis est devenu terre en friche. Solitaire et triste, j’ai regardé le Soleil délaisser ce doux pays. Le pays de l’Amour couchant.

     


    votre commentaire
  • Maintenant, c'est le moment

    D'effacer les traces de pas sur la plage

    De s'asseoir, loin de tout

    De réfléchir.


    votre commentaire